Les pitchs des étudiants du MBA Entrepreneuriat à la conquête des pros
Huit équipes de deux à trois étudiants chacune, sept minutes de pitchs construits en étroit rapport avec des chercheurs à la pointe de la science, et des interventions devant un public de professionnels et d'investisseurs potentiels... Tel était le défi de "Will you find the next big idea ?", une rencontre organisée le 15 décembre par le Professeur Michel Safars dans l'amphithéâtre Bellon.
"Teaching by Doing"
Depuis 2011, l'événement constitue le point d'orgue annuel pour les étudiants de la spécialisation MBA « Entrepreneurship ». Après un travail de plus de trois mois, les futurs entrepreneurs rencontrent tout l'écosystème entrepreneurial lié au monde de la recherche et des affaires et planifient les stratégies qui pourrait bouleverser le monde.
Cette année encore, ce concentré de trois heures d'échanges et de réflexion, s'est révélé à la fois vivifiant et divertissant. Les équipes d'étudiants proposent des campagnes de promotion et des plans de développement pour des produits aussi variés qu'innovants: un microscope dernier cri qui ouvre des portes dans le domaine pharmaceutique, une sauvegarde de tous nos mots de passe sur internet, une caméra qui propose une cartographie du cœur aux cardiologues, des convertisseurs de vent en énergie renouvelable, des algorithmes pour retrouver l'empreinte digitale de musiques diffusées en ligne ; pour ne citer que quelques projets.
Les étudiants du MBA étaient bien armés pour le dernier défi de leur parcours de 16 mois à HEC Paris. Michel Safars et son équipe offrent en effet une des cinq spécialisations proposées aux étudiants, suite à 12 mois d’enseignement des fondamentaux du management. Cette spécialisation se fait en partenariat avec l'Université Paris Saclay, sous la houlette de son directeur délégué à l'innovation et aux relations avec les entreprises, Pierre Gohar, et de son adjoint Tania di Gioia.
En septembre 2016, les étudiants ont lancé une intense collaboration avec des scientifiques, chefs d'entreprises et investisseurs, sous l'œil exercé de leur professeur et de leur coach dédié. Leur but commun est de créer un projet d'entreprise réaliste et concret qui permette des créations d'entreprises innovantes par du transfert de technologie "dure" issue des laboratoires de recherche publique, notamment du plateau de Saclay.“C'est l'opportunité d'une vie,” insiste Andrea Masini (professeur de gestion des opérations et directeur délégué en charge du MBA), avant de demander au public de ne pas diffuser d'images des projets sur les réseaux sociaux « car tous ne sont pas brevetés encore. »
Travail d'équipe pour un pitch convaincant
Il est demandé aux équipes de condenser des mois de travail dans un pitch d’une durée de sept minutes mais ils doivent également remettre au professeur un business plan complet, un document GoToMarket, et un rapport des interviews "terrain" réalisées. Les invités, un public de plus de 80 personnes, servent aussi de jury. Michel Safars exige des étudiants résilience et prises de risque. "Cet événement illustre notre philosophie "teaching by doing” (apprendre en faisant),"explique-t-il, “ici, nous offrons du vécu qui s’ajoute aux fondamentaux que vous avez déjà acquis. Il y a des vrais investisseurs dans cet amphithéâtre qui cherchent des idées basées sur les avantages technologiques disruptifs. Vous avez besoin de courage, de passion, de qualité de leadership, de vision, de curiosité, d'énergie, de résilience, et tant d'autres qualités."
En combinant présentation visuelle et pitchs minutieusement préparés, les équipes présentent leur projet. Michel Safars a proposé un coach dédié à chacune des huit équipes, des bénévoles qui réunissent des décennies d'expériences dans le digital, le monde entrepreneurial, les affaires et/ou le monde scientifique. “Notre coach a un rôle-clé dans la traduction de la technologie en plan de développement,” nous confie une étudiante, Veronica Tisera, en parlant du vétéran du coaching interculturel Daniel Francou. L'équipe de trois membres menée par Veronica a inventé Nanoloc, une startup qui propose un microscope d'une précision et résolution remarquable. Leur business plan était le fruit d’intenses échanges avec des chercheurs du CNRS qui espèrent que leurs technologies seront commercialisées après de compagnies pharmaceutiques et de laboratoires à travers le monde. « C’est comme si on mettait des lunettes pour la première fois, » expliqua l'étudiante vénézuélienne au jury. Son collègue américain Martin Sterlicchi ajoute : "Avec une résolution dix fois plus puissante que ce qui existe sur le marché, nous projetons des ventes de 38 millions d’euros dans les dix ans à venir."
Une pléthore d'acteurs
L’équipe derrière le groupe Yep remporte la palme avec son algorithme qui détecte les morceaux de musique et gère le paiement automatique en ligne des droits. « Cet algorithme piste l’ADN de tous les compositeurs qui mettent leurs œuvres en ligne, » insiste Xioalan Yin, dont le travail dans la publicité, la promotion et les médias s'est reflèté dans la présentation. « Nous allons commencer en France où il y a un marché de 400 millions d’euros puis nous poursuivrons en Chine, » ajoute son confrère Pierre Bornowski. Le Belge, qui dans la vraie vie est un architecte basé en Roumanie, partage avec nous l’intensité du travail préparatoire : « Nous avons échangé avec au moins 30 acteurs différents dans ce domaine, y compris la SACEM qui s’occupe des droits d’auteurs en France. Notre coach Fabrice Valay (vice-président d’Univadis International, NDLR) nous a fourni les axes essentiels sur lesquels il fallait se focaliser, ainsi que le recul indispensable au succès du projet. Nous sommes extrêmement satisfaits du résultat. »
De projet à une entreprise pérenne?
Pierre Bornowski rentre à présent à Bucarest pour poursuivre sa carrière d'architecte de l’habitat durable, et garde des moments inoubliables de son parcours à HEC Paris : « Ca été une aventure fabuleuse. Nous allons remettre tout notre travail aux deux ingénieurs de Paris-Tech, Yves Grenier et Sébastien Fenet qui ont conçu ce système en ligne. Nous espérons qu’ils s’en servent pour créer leur start-up et je crois savoir que Xioalan essayera de rester impliquée dans le projet. Nous avons appris que 85% des droits d’auteurs dans le monde ne sont pas collectés. Les compositeurs méritent mieux et nous espérons qu’avec l’idée « Fair Play Fair Pay », nous pouvons convaincre des partenaires sur les cinq continents qu’il faut soutenir ce projet. »
« Il y a quelque chose de fabuleux qui se passe ici, » déclare vers la fin de l’événement le consultant en innovation et ancien diplômé HEC, François Doux. A présent, il reste à attendre la réponse à la question lancée par Michel Safars : « Est-ce que les projets (des étudiants MBA) deviendront véritablement pérennes? »