L'impact caché de la vague populiste
Le populisme a récemment pris une envergure significative dans le monde : le Brexit et l'administration Trump en sont les exemples les plus frappants. Pour Jeremy Ghez, professeur à HEC Paris, cette focalisation sur les changements à court-terme, exigés pars des réactionnaires, et au détriment d'une stabilité à long-terme menace les fondements même de l'Union Européenne.
« Je veux que ça change »
Le succès des partis populistes découle directement du fossé grandissant entre ce que promettent les gouvernements qui prétendent que « tout va bien » et le nombre croissant de personnes qui rencontrent des difficultés économiques, souffrent du chômage et ne perçoivent pas d'augmentations salariales, affirme le professeur Ghez.
Ce gouffre apparent entre politique et réalité signifie qu’à présent, les concepts qui étaient jusque-là non-négociables peuvent désormais être remis en cause. Les idées universelles telles que « le libre-échange conduit à la prospérité économique », « le multilatéralisme procure davantage de stabilité » et « les pouvoirs autoritaires sont dangereux » sont désormais mises en difficulté.
Le négationnisme par opposition au populisme
Pour le professeur Ghez, une perte d'espoir généralisée a joué un rôle fondamental dans le vote du Brexit en 2016. « Il y avait un sentiment de "je n'ai plus rien à perdre". En votant en faveur du Brexit, pour Donald Trump ou le Front National, au moins j'envoie un message clair : "Je veux du nouveau. Je ne gagne rien avec le système actuel et je souhaite un changement" ».
Cependant, décrire le Brexit comme une réaction populiste serait un euphémisme. Le professeur Ghez qualifie le mouvement en faveur du Brexit de ‘négationniste’. Les partisans du vote « Je pars » étaient lassés de ne pas profiter des avantages de l'adhésion de leur pays à l'Union Européenne.
« C'est pourquoi ils espéraient une alternative au système actuel en imaginant le retour de l'isolation comme bénéfique. Cependant, on ne peut établir si le Brexit peut venir à bout de tous les problèmes qu'il promet de résoudre. »
Le professeur Jeremy Ghez
Éduquer pour l'avenir
Qu'est-ce que cela signifie pour l'Union Européenne ? Le populisme tend à se développer sur le court terme, permettant à l'Union Européenne de se concentrer sur ses grandes forces. C'est-à-dire offrir la possibilité aux pays d'aller au-delà des conflits géopolitiques et les rassembler autour d'un objectif commun. Le populisme tend à protéger les emplois plutôt que d'investir dans l'éducation et le futur. Cependant, le protectionnisme ne fonctionne tout simplement plus, car il va à l'encontre de la technologie et de la mondialisation. « L'idée de rester dans une même entreprise et de conserver le même emploi n'est plus envisageable. Plutôt que de protéger les emplois, il faut protéger les individus ».
« Investir dans l'éducation et le développement personnel crée de la stabilité et prépare les populations à faire face aux défis de long terme ». Le professeur Ghez révèle également qu'il existe un besoin urgent de développer des structures pour prendre en charge les individus en marge de la société. L'Union Européenne doit faire face au fait que « dans le système actuel, certaines personnes sont plus vulnérables que d'autres ».
Pour le professeur Ghez, il faudra de l'éducation, de l'imagination et une capacité à définir les notions d'anti-populisme et d'intégration pour révéler le pouvoir du paradigme anti-populiste et anti-géopolitique dans l’Union Européenne.
« La plupart des institutions ne disparaissent pas, mais deviennent de moins en moins pertinentes », ajoute-t-il. « Il s'agit à présent d'un risque majeur pour l'Union Européenne ». L'UE doit trouver sa place à côté du modèle autoritaire chinois et du modèle populiste américain, en se souvenant de ce qui la rend unique et en démontrant qu'une alternative aux conflits géopolitiques est possible.
« L'Union Européenne n'est jamais aussi efficace que lorsqu'elle prend en charge des populations vulnérables, maîtrise des vagues populistes et rassemble ses pays membres », explique le professeur Ghez. « C'est à cela que doit ressembler une UE véritablement unie ».